Quelques coutumes anciennes
Texte publié dans la Chronique n° 20 de 2008[1].
Achille Wagner
Le baptême.
Jadis, les parents faisaient baptiser leurs enfants beaucoup plus tôt que maintenant. Généralement le premier ou le deuxième dimanche qui suivait le jour de la naissance.
La cérémonie avait lieu l’après-midi après les vêpres. Au retour de l’église, les enfants du village se réunissaient devant la maison des jeunes parents : d’un côté de la porte d’entrée, les filles et de l’autre côté, les garçons. Parrain et marraine venaient alors, le premier pour les garçons, la seconde pour les filles, pour leur distribuer bombons, caramels et autres dragées, parfois aussi de la menue monnaie.
La fête se poursuivait ensuite au sein de la famille.
La communion privée.
Comme actuellement, elle avait lieu au printemps de la seconde année scolaire primaire.
Cependant, c’était au cours de la messe dominicale de sept heures du matin. A l’époque, avant le Concile Vatican II (1962 – 1965), il n’y avait pas de messe dominicale avancée au samedi soir. Il fallait aussi âtre à jeun depuis minuit !
Pas de cérémonie spéciale donc ! Il n’y avait d’ailleurs généralement que les parents qui y assistaient. Pas de fête, pas de banquet … et pas de cadeaux !
La communion solennelle ou Profession de foi.
Elle avait lieu, comme actuellement, vers l’âge de 11 ou 12 ans.
A l’issue du cycle de cours de catéchisme donné par le curé (il n’y avait pas de catéchistes laïques !), les futurs communiants devaient passer un examen à la fin duquel était établi un classement. La fille classée la première devait, au cours de la messe, réciter par cœur un texte comprenant, notamment, des remerciements envers les parents. Elle devait monter sur une chaise tournée vers l’assemblée, au milieu du couloir central de l’église, à hauteur des premiers bancs d’adultes (il y avait aussi des petits bancs pour les enfants).
A Turpange, cette déclamation était préparée et supervisée étroitement par l’institutrice mademoiselle Marie Poncé qui mettait un point d’honneur quant à la diction et à la compréhension du texte dans toute l’église. C’est dire que ce n’était pas un exercice de tout repos pour la pauvre fillette !
Au cours du pastorat de l’abbé Jean Klein, le premier des garçons était aussi sollicité ! Mais c’était relativement plus facile. Durant les vêpres de l’après-midi, lors de la consécration à la Sainte Vierge, ce garçon lisait un texte face au maître-autel, dans le chœur de l’église, où tous les communiants étaient rassemblés.
A l’époque, les filles étaient vêtues d’une belle robe blanche avec voile ; elles donnaient l’impression de petites jeunes mariées….
Les garçons, quant à eux, portaient un costume de ville généralement de couleur foncée. Au bras gauche, à hauteur du buste, un brassard blanc avec nœud en croix donnait un caractère plus cérémonial au bambin.
Le banquet réunissait toute la famille à la maison du communiant. Celui-ci recevait alors quelques cadeaux : de son parrain, généralement une montre qui, souvent, était en or ; la marraine offrait à sa filleule une chaîne en or ou une gourmette. Les autres membres de la famille donnaient des cadeaux plus ordinaires, souvent utiles pour l’école. Certains remettaient aussi un missel ou un chapelet.
De son côté, le communiant offrait une image souvenir avec indication de ses nom et prénom ainsi que la date de l’événement.
Le curé offrait aussi à chaque communiant une image sainte à faire encadrer.
La confirmation.
Dans certaines paroisses, la confirmation n’avait pas lieu chaque année. En attendant donc, les enfants étaient conviés à faire ce que l’on appelait leur deuxième communion, voire la troisième …
Plusieurs années de communiants étaient alors rassemblées dans une église du doyenné. Chaque fois dans une autre paroisse.
L’évêque du diocèse était accueilli depuis le presbytère par une rue pavoisée et fleurie jusqu’au porche de l’église. Rarement, il se faisait remplacer par son vicaire épiscopal.
Dans chaque paroisse, le curé choisissait un parrain et une marraine de confirmation. Lors que le confirmand agenouillé devant l’évêque recevait le sacrement, ils se plaçaient à ses côtés et mettaient une main sur l’épaule de l’enfant. Toujours le parrain pour les garçons, la marraine pour les filles.
Après la cérémonie, le parrain et la marraine occupaient les enfants de diverses façons. La plupart du temps, ils offraient un petit banquet. Certains proposaient une excursion ou une partie de quilles, surtout pour les garçons.
Les enfants recevaient aussi une image souvenir qui reprenait le nom de tous les confirmands, ceux du parrain, de la marraine, du curé et de l’évêque.
Les enfants se cotisaient, eux aussi, pour offrir un cadeau au parrain et à la marraine.
Le mariage.
Quelques semaines avant le mariage avait lieu la publication des bans. Aussi bien à la maison communale qu’à l’église.
Le jour du mariage, la jeunesse masculine (uniquement !) se réunissait près de l’église pour tirer des pétards et autres détonateurs qui faisaient un vacarme étourdissant à tel point que, par moment, le curé envoyait un enfant de chœur leur demander de modérer leurs tirs …
A l’issue de la messe de mariage, les jeunes gens accueillaient les jeunes mariés sur le parvis de l’église. Un des leurs était désigné pour remettre un bouquet de fleurs à la jeune mariée et adresser des félicitations au jeune couple au nom de toute la jeunesse. Le jeune marié ne pouvait alors faire autrement que de sortir son portefeuille et remettre la pièce au jeune homme. A ce moment, la pétarade reprenait de plus belle et ceci toujours en fonction de la somme d’argent reçue.
La jeunesse dépensait alors cet argent dans les bistrots du village qui étaient encore nombreux à l’époque.
Comme les mariages étaient toujours célébrés en fin de matinée, la famille se réunissait généralement au domicile des parents de la mariée où était servi le banquet. Au cours de celui-ci, le garçon d’honneur de la mariée procédait à la vente aux enchères de la jarretière de la mariée. Après le repas, toute la noce prenait le chemin des bistrots du village pour y dépenser l’argent récolté pour la jarretière.
Au cours de la soirée, le jeune couple s’éclipsait discrètement pour partir en voyage de noces dont la destination était gardée jalousement secrète …
Les funérailles
Lors d’un décès, le curé faisait sonner le glas.
Dans certaines paroisses, il avait pris l’habitude de différencier les sonneries suivant que le défunt était un homme ou une femme…. De cette façon, les paroissiens avertis pouvaient se faire une idée quant à l’identité du défunt. Cette coutume existe encore actuellement dans certaines paroisses.
La famille du défunt faisait alors imprimer d’urgence des faire-part de décès qui étaient distribués, par porteurs, dans chaque habitation du village. Ils étaient envoyés par la Poste à la famille, aux amis et connaissances qui habitaient en dehors du village. Ces faire-part étaient bordés de noir jusqu’au Concile Vatican II où le noir a été remplacé par la couleur mauve.
Comme il n’y avait pas encore de morgue communale ni de funérarium, le défunt était gardé à la maison en attendant le jour des funérailles. Le cercueil se trouvait dans une pièce de la maison transformée en chambre mortuaire. La veille des obsèques, en soirée, on y récitait le chapelet pour le repos de l’âme du défunt. Dans certaines familles, le cercueil restait ouvert jusqu’au jour des funérailles.
Lors de la messe d’enterrement, à l’Offrande, un enfant de chœur distribuait une image pieuse dont le verso reprenait les coordonnées du défunt ainsi que le texte d’une petite prière. Parfois, au recto, il y avait la photo du défunt.
Les proches parents portaient le deuil (habits noirs) jusqu’à la messe de six semaines. Ensuite, jusqu’à la messe anniversaire du décès, c’était le demi-deuil où les couleurs vives étaient proscrites.
Jadis, les funérailles étaient souvent célébrées par plusieurs prêtres : parfois officiaient trois, voir ou même sept curés venus des paroisses voisines. Ce n’était pas une messe concélébrée mais chaque prêtre disait une messe « basse » sur un des autels latéraux dits « petits autels » pendant que le curé de la paroisse du défunt disait la messe solennelle au maître-autel. Il faut rappeler aussi que le prêtre tournait le dos à l’assemblée. Comme l’organiste – chantre était, du moins à Turpange, l’instituteur du village, les cours étaient suspendus et les écoliers assistaient à la cérémonie.
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Lorsque le curé était appelé à distribuer la Sainte Communion à un malade dans le village, il y allait à pieds, en habits liturgiques, après la masse matinale et accompagné d’un enfant de chœur qui faisait tinter une sonnette tout au long du trajet. Les passants s’arrêtaient au passage, les hommes se décoiffaient, certains même s’agenouillaient. Il faut dire que l’usage de la pyxide n’était pas connu. Et seul le prêtre était autorisé à toucher le calice, le ciboire ainsi que les hosties !
Tous les religieux portaient encore la soutane tout au long de la journée. Et les filles n’étaient pas encore acceptées comme enfants de chœur !
Les conscrits
Au cours de l’année qui précédait leur appel sous les armes, les jeunes gens du village se réunissaient à une date convenue entre eux, d’habitude un samedi après-midi, pour faire le tour de la localité.
Drapeau belge en tête du cortège et accompagnés d’un accordéoniste amateur, ils allaient de maison en maison quémander quelque argent ainsi que des œufs frais. Ils portaient tous une cocarde tricolore à laquelle ils avaient accrochés maints rubans aux couleurs du drapeau belge.
Le soir venu, tout ce joyeux monde se retrouvait dans un bistrot du village où la patronne leur confectionnait une omelette géante avec les œufs récoltés l’après-midi. Les jeunes gens ne se laissaient pas prier pour manger cette omelette qu’ils accompagnaient de nombreuses pintes de bière. Les libations se terminaient souvent aux petites heures du lendemain matin. Le dimanche soir avait lieu le « bal des conscrits » pour lequel les jeunes gens avaient invité les jeunes filles de leur âge.
Bien entendu, toute la jeunesse du village, et même des villages voisins, se retrouvait alors pour s’amuser jusque tard dans la soirée.
A propos du service militaire obligatoire, il convient de préciser que dans les années cinquante, sa durée était fixée à 24 mois (en raison de la « guerre froide »). Cette durée a été ramenée progressivement à un an puis huit mois. Le service militaire a été « suspendu » en 1993.
Les miliciens appelés à servir en Allemagne occupée voyaient la durée de leur service écourtée de quelques mois. C’est ainsi qu’en dernier lieu, ils ne devaient plus faire que six mois de service.
Coutumes en vigueur au cours de la première moitié du 20ème siècle, d’après les souvenirs personnels de l’auteur.
[1] D’autres anciennes coutumes de Turpange ont été publiées dans la brochure « Paroisse de Turpange – Notre église 1851 – 2001 » éditée sous la direction de E. Schrobiltgen à l’occasion du 150ème anniversaire de l’église. Il s’agit de L’adoration perpétuelle, la Fête Dieu, les Rogations, l’occupation des places au jubé, les collectes faites par la jeunesse.