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Le château et les seigneurs de Messancy

Texte publié dans la Chronique n° 17   2005

DEMEURES  et  FAMILLES SECTION  de  MESSANCY  2ème partie :


Christian Moïs

1. Introduction.

S’il est une demeure qui suscite l’intérêt à Messancy, c’est bien le « château de Mathelin ». S’il subsiste encore aujourd’hui une partie importante du parc, seules deux tours s’y dressent, derniers témoins d’un imposant bâtiment qui, malheureusement, disparut dans les flammes en 1979.

Depuis le Moyen Age, plusieurs bâtisses se sont succédées à cet emplacement. Détruites par les guerres ou laissées à l’abandon par leur propriétaire, elles ont été reconstruites à différentes époques. Elles ont appartenu aux  familles seigneuriales qui se sont succédées sur les terres de Messancy. Nous en restituerons brièvement l’histoire qui recouvre environ 800 ans. Conscients de la complexité de ces lignées seigneuriales, nous nous limiterons à une généalogie succincte permettant de suivre les liens entre les propriétaires successifs et nous exposerons dans un paragraphe séparé les titres et qualités des principaux personnages cités.

Les données historiques relatives aux familles et au château antérieures au 19ème siècle sont rares et parfois controversées. Il est donc difficile de retracer avec certitude toutes les mutations de la propriété seigneuriale de Messancy. Depuis le Régime français (1795) par contre, l’histoire est mieux documentée.

2. Les familles, lignées et héritages

a) Les seigneurs de Messancy au Moyen Age

Si la première mention connue de « Massencejum » date de 1096, le premier seigneur qui laissa son nom dans l’histoire fut Anselme de Messancy (Metzig). Il figure parmi les nobles qui assistent, en 1214, au mariage de Waleran de Limbourg et d’Ermesinde comtesse de Luxembourg[1]. Il faut ensuite attendre 1290 pour trouver dans une charte le nom de Ricuin de Messancy (Mescenci), qualifié de chevalier. En 1292, Ferri, duc de Lorraine, vend sa châtellenie de Longwy à Henri III, duc de Bar. Il demande à une série de seigneurs, dont celui de Messancy (Masancy) et de tous les autres fiefs relevant du château de Longwy, de reconnaître cette vente[2]. Ce texte laisse donc penser qu’en cette fin du 13ème siècle la seigneurie de Messancy fut vassale, sans doute pour une part, du duc de Lorraine puis de Bar. Dans une lettre de 1505 que Marguerite de Messancy envoie aux carmes d’Arlon, elle signale qu’en l’an 1303, ses aïeux Gilles de Metzich et son épouse Loucart de Brandebourg ont fondé en leur couvent une messe aux Quatre-temps[3]. De 1309 à 1328, c’est Thillman qui est seigneur. Il fait partie du siège des nobles du duché de Luxembourg comme écuyer et possède les droits du moulin de Differt. Dès avant 1286, Messancy figure dans les franches villes de la châtellenie d’Arlon. Le seigneur a donc accordé à la population des droits qui se réfèrent à la « loi de Beaumont ». Les habitants jouissent de certains privilèges et peuvent élire un maire et des échevins. Nous trouverons au 14ème siècle Gérard de Messancy, échevin d’Arlon, Gilles de Messancy, chevalier, qui deviendra prévôt d’Arlon et siègera au conseil des nobles, puis son fils Gilles II, également prévôt d’Arlon. Le seigneur de Messancy possédait un sceau dont un exemplaire fut apposé sur une charte de 1381 et nous permet ainsi de connaître ses armoiries : « un écu à trois pals ; le dit écu penché et timbré d’un casque, garni d’un volet et cimé d’une tête de more : le tout supporté par un lion à senestre. Camp diapré du haut seulement ». Sur une charte de 1398, on trouve une variante : « un écu à trois pals ; le dit écu penché et timbré d’un casque, garni d’un volet et cimé d’un chapeau pyramidal : le tout tenu par deux anges tenus à mi-corps » [4].

Jean II, fils de Gilles II, fut seigneur de Messancy de 1414 (ou 1420) à 1466[5]. Sans doute prévôt d’Arlon, il exerça certainement cette fonction à Chiny. En 1443, il prend parti pour le duc de Bourgogne lors de son expédition dans le Luxembourg et assiste à l’assemblée des nobles qui, en 1451, reconnaissent Philippe le Bon comme seigneur gagier du duché. Cette position apporte la paix et une relative prospérité pour la seigneurie de Messancy jusqu’en 1506. Des quatre enfants de Jean II, seules survivent deux filles : Mahaut de Messancy qui épouse Bernard de Hondelange en 1463 et Marguerite de Messancy, femme de Nicolas von dem Stein (Claus de la Pierre) seigneur de Heisdorf. La branche mâle de Messancy s’est ainsi éteinte en 1466 à la mort de Jean II. Les biens et la seigneurie avaient été partagés par donation dès 1463 entre les deux filles et leurs descendants.

b)  Les seigneurs de Messancy sous l’Ancien Régime

Jusqu’à la Révolution française, la terre de Messancy sera donc partagée entre plusieurs propriétaires ; elle changera de famille quand il n’y a que des filles pour hériter ou qu’une branche se termine par un descendant célibataire ou parce qu’un seigneur vend la terre. Nous trouverons ainsi, à une époque donnée, des co-seigneurs (ou co-dames, mit-frau en allemand) possédant chacun une fraction du domaine. Des mariages au sein d’une même famille (cousins, oncle et nièce, beau-frère et belle-sœur) augmentent encore la difficulté de compréhension des mutations de propriétaires.

La première moitié de la seigneurie et du château échoit donc à Marguerite de Messancy et à son époux Claus de la Pierre. Elle passe ensuite à leur fille Catherine de la Pierre (morte en 1507) qui épouse Jean de Kesselstadt (co-seigneur de 1468 à 1509). Leur fils Christophe de Kesselstadt, seigneur de son vivant (de 1515 à 1546), meurt sans descendance. Sa sœur Angélique de Kesselstadt, seule héritière, épouse Oswald de Bellenhausen le Vieux, qui devient ainsi seigneur de 1547 à 1550. Ils transmettent l’héritage à leur fils Oswald de Bellenhausen le Jeune (co-seigneur de 1562 à 1571), époux de Anne de Sirck. La fille de ce couple, Marguerite de Bellenhausen, reçoit la seigneurie. Elle épouse Godefroid de Hoengen dit Wassemberg (seigneur de 1571 à 1627). Leur fils Bernard de Hoengen est co-seigneur de cette branche (de 1616 à 1619). Il avait épousé Lucie de Woellard dont il n’eut qu’une fille, Nicole. Bernard décède le 16 juin 1622, avant son père. Jacques de Masbourg, beau-frère de Bernard, est alors nommé tuteur de Nicole et fait office de seigneur. Mais au décès de Godefroid c’est un de ses beaux-fils, Frédéric de Pouilly, qui habite le château et en prélève indûment les revenus[6]. Il semble, sans que l’on ait de preuve, que les héritiers aient alors vendu leur part à Jean Charles de Schoenberg, un descendant de la branche de Mahaut de Messancy.

La seconde moitié de la seigneurie et du château reçue en héritage par Mahaut de Messancy et son mari Bernard de Hondelange (co-seigneur de 1446 à 1473) passe à leur fille Elise de Hondelange. Celle-ci épouse en premières noces Gilles de Bourscheid (co-seigneur de 1462 à 1466) qui décède puis en secondes noces Jean Tristant (co-seigneur de 1466 à 1481). C’est le fils de ce couple, Bernard Tristant (co-seigneur de 1504 à 1510), et sa sœur Catherine qui se partagent l’héritage. Marié à Marie de Brantscheid, Bernard Tristant décède sans héritier. Sa veuve épouse alors Bernard de Schauwenbourg, aussi seigneur de Preisch, (mort en 1576) qui devient par ce fait seigneur du lieu. De son côté, Catherine Tristant épouse Werner de Geisbusch. Ces époux vendent leur part (la moitié de la seigneurie) à  Jean de Naves et à sa seconde femme, Madeleine de Schauwenbourg. Cette dernière vend vraisemblablement Messancy à Jean II de Naves et Salomé de Schauwenbourg (morte en 1584), son beau-frère et sa belle-sœur. L’héritage passe alors à leur fille Madelaine de Naves qui avait épousé Simon Rodolphe de Schoenberg (ou Schombourg ou Schomberg) seigneur de Vance et Ecouviez, devenu ainsi seigneur de Messancy pour moitié tel qu’il le déclare en 1597[7], puis au dernier fils vivant de ce couple, Jean Charles de Schoenberg (mort en 1639). Ce dernier épouse Marie Catherine de Lobkovitz et c’est leur fils Emmanuel Maximilien Guillaume de Schoenberg et sa femme Madelaine Isabelle comtesse de Cronenburg qui reçoivent la seigneurie. Ce couple n’eut pas de descendance.

Le domaine passe alors pour une part en héritage à un cousin d’Emmanuel : Frédéric de Schoenberg (1615-1690) dont son fils Meinhard et sa fille Marie eurent leur part d’héritage. Marie de Schoenberg épouse en 1717 Christophe Martin de Degenfeld qui porta aussi le titre de co-seigneur de Messancy. Ce couple a un fils, Auguste Christophe Martin, baptisé en 1730 et mort en 1814.

Mais Madelaine de Cronenburg, sans enfant, cède sa part d’héritage à ses nièces Marie Diane de Zoeteren (ou Soetern) qui meurt célibataire et à sa soeur, épouse du comte d’Ottange[8]. Les deux sœurs furent co-dames ensemble car en 1706, les capucins de Luxembourg demandent à la justice d’obliger les comtesses de Soetern « de payer la rente annuelle de 20 écus pour l’entretien de la chapelle Sainte-Croix en tant qu’héritières de madame Isabelle, comtesse de Schomberg »[9]. D’autre part la visite canonique de l’église de Messancy en 1712 signale qu’une messe est fondée à l’autel de saint Jodoc par les seigneurs temporels du lieu « actuellement les demoiselles de Söteren » (6). Cette moitié de la seigneurie fut ensuite vendue par le comte d’Ottange et son fils à Anne Marguerite Pellot, veuve de Jean Baptiste d’Henron, de son vivant seigneur de Sterpenich, Autel et Gorcy. Cette dame acquiert encore un quart de la seigneurie en l’achetant à Antoine de Schauwenbourg qui en était possesseur par héritage venant de son oncle et de sa tante. L’autre quart appartient à la vicomtesse Marie Anne de Lafontaine, née d’Henron, également dame de Torgny.

Notes biographiques sur les principaux seigneurs ou dames de Messancy

Parmi ces seigneurs (ou dames), propriétaires en totalité ou en partie de la terre et du château de Messancy, nombreux furent les personnages illustres en leur temps. On peut assurer qu’ils demeurèrent au château jusqu’à la fin de la lignée mâle des de Messancy (1466). Ensuite, l’état du château le confirme, ils n’y habiteront que sporadiquement, laissant le soin à un « officier », régisseur ou gestionnaire du domaine, de s’occuper de la garde du château et de faire fructifier la terre domaniale.

-  Ricuin de Messancy (1290, Rikeviens de Mescenci), chevalier, a des possessions à Rachecourt

-  Gilles de Messancy, chevalier, est prévôt d’Arlon en 1363 et fait partie du siège des nobles du duc de Luxembourg

-  Jean de Messancy, écuyer, prévôt de Chiny (1424 et 1428), probablement prévôt d’Arlon. Comme il prend parti pour le duc de Bourgogne, le curé de l’époque, Nicolas Bock, fonde une messe en l’honneur de ce dernier à l’autel de saint Christophe dans l’église paroissiale. En 1444, il est seigneur en partie de Halanzy et fait partie du siège des nobles. Il se porte garant avec d’autres seigneurs, en 1424, d’un emprunt contracté par Jean, duc de Bavière, au duc de Virnembourg[10]. Sa sœur Catherine de Messancy avait épousé Robin, seigneur de Fichbach et Everlange[11].

-  Jean Tristan(t) appartient à une ancienne famille de Trèves. Il épouse Elisabeth de Hondelange en la chapelle de l’hôpital Sainte Catherine à Arlon. Il est seigneur de Messancy de 1466 à 1481. Il possède également 1/3 du village de Halanzy ; une charte de 1480 nous apprend aussi que ses prédécesseurs étaient propriétaires d’une avouerie (domaine qu’un tiers administre au nom d’un propriétaire, généralement ecclésiastique) à Toernich et d’une autre à Rachecourt[12].

-  Jean de Kesselstadt (parfois dénommé Jean Kessel) fait construire en 1479 la ferme « Schadeckerhof » située en bordure de la route de Meix-le-Tige. Ce domaine fut cédé aux carmes d’Arlon puis administré par les habitants de Messancy.

-  Jean I de Naves (1500 – 1547) est conseiller et prévôt de Marville puis vice-chancelier de l’empire de Charles-Quint dont il fut aussi l’ambassadeur ; il est conseiller d’Etat sous Philippe II. Lors du passage de don Juan d’Autriche, il eut le privilège de l’accueillir dans sa maison de Luxembourg. Il est mort à Ulm.

-  Bernard de Schauwenbourg, seigneur de Preisch (près de Rodemack en Moselle) et de Schudbourg est gouverneur en chef et prévôt de Thionville.  En 1572, il est lieutenant du gouverneur du Luxembourg. Son père Jean était chambellan du Margrave de Bade à Rodemack. Bernard est mort le 9 mars 1576. Dans une enquête des Etats du Duché menée en 1575, le curé de la paroisse Saint-Jacques à Messancy déclare qu’il y a dans l’église un autel «dont le secrétaire de Thionville perçoit le revenu et dont il lui a confié le service ». Il s’agit bien de l’autel latéral de l’église paroissiale faisant office de « chapelle du château » et dont est bénéficiaire Bernard de Schauwenbourg[13].

-  Madeleine de Schauwenbourg, morte le 23 septembre 1584, est également dame de Bertrange et co-dame de Fontoy. Sa pierre tombale (gisant), comme celle de Bernard de Schauwenbourg, se dresse dans la chapelle du château de Preisch (Basse Rentgen en Moselle).

-  Godefroid de Hoengen dit Wassenberg, possède aussi une cense à Differt et une autre à Hobscheid. Dans l’ancienne église paroissiale de Messancy se trouvaient deux  belles pierres en l’honneur de Godefroid de Hoengen, mort en 1627, et de son épouse, Marguerite (Anne) de Bellenhausen, décédée le 17 juin 1587. Les deux gisants étaient entourés des blasons de famille (D’azur au sautoir d’or cantonné de quatre croisettes, recroisetées de même pour Hoengen et D’argent à sept vairs d’azur 3,3 et 1 pour Bellenhausen)[14]. Ces deux pierres ont été déposées au musée archéologique d’Arlon où, restées de longues années dans le parterre d’entrée, elles se sont fortement dégradées. Le poste de chapelain de la chapelle castrale dédiée à saint Bernard dans l’église paroissiale étant vacante en 1621, c’est Godefroid de Hoengen qui présente un candidat puis, en 1622, un autre prêtre est proposé par Madeleine de Schombourg[15].

-  Simon Rodolphe de Schoenberg (1552 – 1608) provient d’une famille originaire du Palatinat. Il est membre du siège des nobles, également seigneur d’Ecouviez.

-  Jean Charles de Schoenberg est prévôt d’Arlon, conseiller de courte robe à Luxembourg, créé comte du Saint Empire par l’empereur puis nommé chevalier de Saint Jacques par Philippe IV. Il était aussi seigneur de Schoenberg sur le Rhin, Bertrange et Rollé. Il fut ambassadeur notamment au Danemark et à Madrid où il mourut en 1639. C’est lui qui offrit, avec son épouse Catherine de Lobkowitz, le terrain sur lequel fut construit le séminaire de Luxembourg. Il eut un fils, Ferdinand Philippe, mort en bas âge[16]. Il était collateur de l’autel castral dédié à saint Bernard dans l’église paroissiale de Messancy.

- Frédéric Armand, comte de Schoenberg (1615 – 1690) eut une destinée extraordinaire. Son père décède alors qu’il n’a que quelques mois. Il est élevé par des amis, dont Frédéric V, Electeur du Palatinat. Il embrasse la carrière des armes dans les troupes du Prince d’Orange puis passe au service de la Suède, de la Hollande et de la France. En 1650, il y est maréchal de camp et sert sous Turenne. Il est envoyé comme conseiller militaire au Portugal en 1660 mais est démis de ses fonctions par Louis XIV. Ayant adhéré au protestantisme, il se réfugie à Berlin après la révocation de l’Edit de Nantes (1685) où il est nommé gouverneur général de la Prusse. Il rejoint ensuite le Prince d’Orange lors de son expédition en Angleterre. Il y est fait duc et chevalier de la Jarretière. Il est nommé commandant en chef de l’expédition contre Jacques II en Irlande mais est tué à la bataille de Boyne le 1 juillet 1690. Il est enterré dans la cathédrale Saint Patrick de Dublin[17].

A Messancy, il percevait 1/5 des dîmes de la paroisse.

- Christophe Martin II comte de Degenfeld est né en 1689. Il est le descendant d’une famille noble de Souabe. Il épouse en 1717 sa nièce Marie comtesse de Schoenberg ou Schomberg (1692-1762), fille de Meinhard, troisième duc de Schoenberg et duc de Leinster et de Caroline Elisabeth vicomtesse von der Pfalz, fille de Charles, électeur de Bavière. Il fut général des armées prussiennes et ministre de la guerre. Comme le seul frère de Marie de Schoenberg était mort dès 1713, Christophe Martin II peut porter le nom et les armes de Degenfeld-Schomberg, ce qui lui permet aussi de bénéficier des possessions et titres de la famille de Schomberg[18]. Il est mort en 1762.

- Le propriétaire du château de Sterpenich, Christophe Albert d’Argenteau, s’étant ruiné au cours des guerres de Louis XIV, emprunte de l’argent à Jean Adam Pellot, enrichi par l’entreprise des fortifications de Luxembourg. Ses héritiers ne peuvent rembourser le prêt et le sieur Pellot devient ainsi propriétaire du château[19]. Il marie sa fille Anne Marguerite à Jean Baptiste de Henron, receveur des Domaines à Arlon puis receveur général des aides et subsides de Luxembourg, seigneur de Gorcy et Autel en partie, anobli en 1728[20] (blason Henron : De gueules au chevron d’argent accompagné de trois hérons de même, becqués et membrés de gueules) et décédé à Sterpenich le 7 novembre 1742. Par son mariage, Jean Baptiste d’Henron devient donc également seigneur de Sterpenich. Il réussit à reconstituer le domaine en rachetant les parts de ses beaux-frères et sa veuve agrandit encore le patrimoine en achetant une partie de la seigneurie de Messancy. Le couple Henron – Pellot eut deux filles : Anne Claire Gabrielle et Marie Anne.

c) Famille de Tornaco

(Remarque : pour les familles qui suivent, les prénoms usuels connus sont marqués en caractères gras)

Anne Claire Gabrielle d’Henron épouse le 23 février 1734 en l’église Saint-Nicolas à Luxembourg Arnould François de Tornaco qui devient en 1744 seigneur de Messancy pour ¾ .C’est un officier qui servit d’abord dans le régiment impérial de Wurbrand puis devint garde du corps du duc de Wurtemberg où il reçut le grade de colonel. On le retrouve ensuite envoyé à la cour palatine de Manheim puis gouverneur de la principauté de Montbéliard et, en 1736, ministre de Wurtemberg à la cour de France (20). L’empereur Charles VI lui accorde le titre héréditaire de baron du Saint Empire en 1738. En 1753, il acquiert la seigneurie de Sanem (Sassenheim) ainsi qu’un bel hôtel particulier rue Saint-Philippe à Luxembourg. Il devient général d’artillerie et, en 1755, gouverneur de Termonde, ville où il décède le 16 août 1766 ; il y est enterré dans le chœur de l’église. Arnould François de Tornaco est aussi seigneur de Vervoz, Sterpenich, Ober et Nieder-Pallen. Il possède à Messancy le château et ses dépendances ainsi que la haute justice. Il a également des droits seigneuriaux à Hondelange, Differt, Buvange et Halanzy[21].

Les armoiries de la famille sont : « écartelé aux 1 et 4 d’or à la demi-aigle de sable, mouvant du parti ; au 2 de gueules à un senestrochère et au 3 à un dextrochère, armé d’azur, la main de carnation tenant une épée d’argent garnie d’or. Sur le tout d’azur à la croix d’argent, deux casques couronnés »[22].

En 1758, la vicomtesse Marie Anne de Lafontaine, née d’Henron, par la voix de son avocat Burlens reconnaît devant le Conseil provincial de Luxembourg ses droits sur le quart du fief de Messancy « que je possède à titre de succession de feus mes père et mère »[23]. Elle possède la moitié des droits seigneuriaux de Torgny provenant des dames vicomtesses de Sötern et le quart d’une ferme à Couvreux provenant de feu le comte de Schoenberg[24]. Elle était l’épouse de Vauthier de Lafontaine d’Harnoncourt, né le 28 octobre 1698, membre de l’Etat noble où il porte le titre de seigneur de Messancy[25]. Le couple habitait une riche demeure rue du Curé à Luxembourg.

Le domaine de Messancy est régi par un intendant ou officier. L’un d’eux fut Théodore Emmersdorf qui y décède le 12 juin 1764.

Le couple de Tornaco-Henron a deux enfants : Jean Théodore et Charles Sigismond. Ce dernier, né à Luxembourg en 1736, hérite de Messancy et épouse en 1765 Marie Elisabeth, princesse de Cantacuzène, ancienne dame d’honneur de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche. Capitaine au régiment d’Arberg puis, en 1758, conseiller de courte robe au conseil provincial, Charles Sigismond meurt à Luxembourg le 8 février 1777. Il est enterré à Sterpenich. Leur fils Théodore François né en 1771 est héritier de la seigneurie de Sanem ; il meurt célibataire en 1794. Leur fille Anne Elisabeth, baptisée le 11 janvier 1770 est alors seule héritière ; elle épouse en 1788 Camille Albert Joseph Auguste marquis du Blaisel,  major aux Gardes françaises, né à Lasauvage.

Le marquis Antoine Auguste Louis du Blaisel seigneur de La Neuville, nommé maréchal des armées du roi de France en 1788, avait épousé en premières noces (1769) Marie Barbe Josèphe d’Huart qui décède à Lasauvage le 22 juillet 1772. Ce couple eut comme seul fils Camille du Blaisel (né en 1770). Antoine Auguste Louis épouse en seconde noces (1795) Marie Elisabeth de Cantacuzène, veuve de Charles Sigismond de Tornaco (25).

A l’approche de la Révolution française, Camille du Blaisel quitte le pays avec sa femme et sa belle-mère[26] et s’engage dans l’armée impériale autrichienne où il est incorporé en juillet 1794[27]. Il décède à Prague le 4 juillet 1803[28]. Avec lui disparaît le dernier seigneur héréditaire de Messancy sous l’Ancien Régime.

Son épouse, répertoriée par le nouveau régime comme « émigrée » avait été autorisée par un arrêté du 10 thermidor An III (28/7/1795) à rentrer à Sanem. Mais en raison d’une grave maladie, elle ne revient que le 16 janvier 1796 et demande à l’administration de lui rendre ses biens (au moins ceux de Sanem) mis sous séquestre. La famille est également frappée d’un impôt de 4000 livres. Après différentes péripéties administratives, Anne Elisabeth du Blaisel est définitivement considérée comme émigrée le 13 octobre et décède peu après, laissant des enfants mineurs à qui l’administration centrale française souhaite donner un tuteur en février 1797[29].

d) Famille de Mathelin

Les premiers Mathelin sont connus à Ivoix-Carignan vers 1525. Certains auteurs pensent que cette famille provient d’Espagne. Cela paraît fort discutable car Mathelin est une déformation de Mathurin ou un diminutif de Matthieu et ces patronymes sont très répandus  en France. On retrouve notre famille peu après à Neufchâteau. La descendance, parfois nombreuse, s’installe à Neufchâteau et Bastogne. Au 17ème siècle, plusieurs Mathelin sont anoblis. En 1677, Jean Charles, seigneur de Isle-la-Hesse reçoit le titre héréditaire d’écuyer, prend comme armoiries « de gueules à deux lacs d’amour entrelacés d’argent, posés de fasce » et change son patronyme en « de Mathelin ». Il a six enfants dont Jean Charles Emmanuel. Ce dernier épouse Marguerite d’Arlon et ils engendrent dix enfants dont Gilles François Joseph, seigneur de Isle-la-Hesse et lieutenant de sa Majesté autrichienne, qui s’allie à Marguerite de Papigny. Ce couple s’installe à Virton où naissent deux fils : Pierre François Joseph qui prit part aux guerres de la Révolution et y trouva la mort à 23 ans et Jean Joseph.

Jean Joseph de Mathelin est né à Virton le 18 février 1780. Il est baptisé le même jour : son parrain est Joseph de Wilde, seigneur de Isle-la-Hesse et sa marraine est demoiselle Marie Catherine de Papigny de Clémarais[30].

Le 24 septembre 1806, il épouse à Messancy devant le maire Jean Fonck, Marie Marguerite Joséphine Favrais (Favrait, Favray), fille mineure de feu Remacle André Favrais, née à Neufchâteau le 29 avril 1790. Les témoins sont Jean Baptiste Salomon de Papigny, cousin germain du marié et Frédéric Jodoc Hochhertz, cousin par alliance de la mariée.

André Remacle Favrais fut baptisé à Bastogne le 24 juillet 1755 mais il a résidé ensuite à Neufchâteau où il épousa le 12 octobre 1783 Jeanne Marie (Jeannette) Bourgeois. La marraine de Pierre Joseph Favrais, frère aîné de Marie Marguerite, était Marie Mathelin de Neufchâteau, sa grand-mère[31]. Remacle André Favrais décède à Messancy le 23 Thermidor An 13 (11 août 1805). Nous n’avons trouvé dans les archives aucune trace de son arrivée ni de son séjour à Messancy. Il n’est repris ni parmi les fonctionnaires ni parmi les contribuables. Quelle était sa fonction ou sa profession ? Il est renseigné comme rentier dans les registres communaux (mariage de sa fille et son décès). Son épouse demeure au château de Messancy après 1806 ; elle y décède le 24 juin 1814. Nous découvrons son nom dans le rôle des contributions de 1813 seulement où elle est, de loin, la personne payant le plus d’impôts fonciers dans toute la commune. Son époux y avait des biens : avec quelle fortune ont-ils été acquis ? A-t-il profité du nouveau régime ? Pourquoi ne voit-on pas leurs noms dans les relevés des contribuables avant 1813 ?

Mais dans le registre paroissial, lors de son décès, André Remacle Favrais est qualifié de « possessor hujus castri » c’est-à-dire « propriétaire du château de ce lieu ». C’est la seule mention qui laisse penser que Favrais avait acquis le château entre 1797 et 1805 et donc que sa fille en a hérité. L’avait-il acheté auprès des descendants du marquis du Blaisel ou à la commune ? Le notaire Frédéric Tesch n’est arrivé à Messancy qu’en 1804 et aucun acte de vente du château ne figure dans ses minutes. Dans le contrat de mariage, rédigé devant le notaire Tesch un an après le décès de Favrais père (11 septembre 1806), Marguerite ne reçoit en dot que la moitié de la propriété et la moitié de l’usufruit de deux fermes appartenant à sa mère ainsi qu’une coquette somme d’argent[32] ; nulle mention du château.

A l’époque de son mariage, Jean Joseph de Mathelin est domicilié à Clémarais (Aubange) où il est ingénieur géomètre au cadastre ; sa fortune est estimée à 6000 francs[33].

Les armoiries familiales sont « de gueules à deux lacs d’amour (ou à un double lac d’amour) entrelacés d’argent, posés de fasce [34], sommé d’un haume d’argent grillé et liseré d’or. Cimier : un chien bracque naissant au naturel, au collet d’or, entre un vol dossé aussi d’or, le bourrelet et hachements aux émaux de l’écu[35] ». Nous les retrouverons sur le monument funéraire du cimetière de Messancy. Elles étaient aussi présentes sur la tour nord du château.

Jean Joseph, employé du cadastre sous le régime français devient propriétaire du château de Messancy par son mariage. Bien que nobles, les de Mathelin ont donc pris le parti du nouveau régime républicain (Jean Joseph change son nom en Demathelin). Plus tard, il s’accoutumera d’ailleurs très facilement du royaume de Hollande et y retrouvera son titre de noblesse avant de devenir élu du peuple belge après l’Indépendance.

Jean Joseph est nommé maire de la commune de Messancy le 24 mars 1809 et le restera jusqu’en 1815. Il fait réaliser en 1811 les plans et devis pour une maison de police. Il siège ensuite au conseil communal comme échevin. Un décret impérial du 10 juillet 1813 le nomme juge de paix en remplacement du sieur Marlet[36]. Il est également membre du conseil de fabrique de la paroisse Saint-Jacques. Sous le régime hollandais, en 1816, il est admis comme écuyer dans l’Ordre Equestre du Grand-Duché et, à ce titre, sera membre des Etats Provinciaux de 1817 à 1830. Il est l’un des deux membres députés de l’ordre équestre lors de la formation des premiers états provinciaux de la Belgique indépendante puis, après le transfert du siège de l’administration de Luxembourg à Arlon en octobre 1830, il est membre de la députation. En novembre 1830, il est élu député suppléant derrière François Tinant au Congrès National pour le district d’Arlon, organe chargé de rédiger notre première constitution. François Tinant se désiste et la place revient donc à Jean Joseph de Mathelin. Mais il refuse le poste pour raison de santé, le député effectif étant alors Jean Baptiste Nothomb[37]. On peut imaginer  que Jean Baptiste Nothomb n’aurait pas eu la carrière politique que nous lui connaissons si Jean Joseph de Mathelin avait accepté de se rendre à Bruxelles !

Il est également élu conseiller provincial de 1836 à 1841, occupant la fonction de député permanent de 1836 à 1838[38].

Lors de la construction de la nouvelle église de Messancy en 1847, il fait partie de la «commission de régie» en compagnie du curé Kauffman, du bourgmestre Damiany, de l’huissier André et du notaire Tesch.

Il décède au château de Messancy le 16 mai 1853 et son épouse Marguerite Favrais le 16 décembre 1858.

Nous Guillaume par la grâce de Dieu Roi des Pays-bas, Prince d’Orange Nassau, Grand Duc de Luxembourg

….ayant par notre arrêté du 3 mars 1816 N° 132 nominé et admis au corps Equestre de la province du Grand Duché de Luxembourg le Sieur Jean Joseph de Mathelin, Ecuyer, membre des Etats du Grand Duché de Luxembourg, c’est à ces causes que nous avons reconnu le susdit sieur Jean Joseph de Mathelin actuellement admis et incorporé au corps Equestre du Grand Duché de Luxembourg ainsi que ses enfants légitimes présents et à venir tant mâles que femelles ainsi que tous les autres descendants de la famille noms et armes comme faisant partie de la noblesse des Pays-Bas, avec le prédicat de noble homme et Haut et bien né, le tout avec tels droits et prérogatives qui sont ou seront attribués par la suite par les lois du Royaume à la noblesse du Royaume des Pays Bas Et nous reconnaissons par le présent ces armoiries telles qu’elles se trouvent ici dépeintes en leurs émaux et métaux comme étant les armoiries propres à lui et à ses descendants…..

Donné à la Haye le 5 mars 1816 de notre règne la troisième année.[39]

Jean Joseph de Mathelin et Marie Marguerite Favrais ont eu 5 enfants, tous nés au château de Messancy.

1- Marie Hortense (Hortantia) naît le 26 janvier 1808 et décède le 1 octobre 1810. Sa marraine était Marie Cécile Tesch.

2- Paul Joseph Antoine Hippolyte naît le 25 janvier 1809 et décède le 7 avril 1816.

3- Jean Bernard Louis Frédéric Léopold est né le 2 juin 1815. Le 4 novembre 1836, il épouse Victorine Marie Thérèse Augustine baronne de Steenhault, née à Bruxelles le 25 novembre 1815, fille du baron Victorin de Steenhault, gouverneur de la province du 10 décembre 1834 au 24 avril 1841 et de Marie Lucie de Moser. Un contrat de mariage est passé devant le notaire Rossignon d’Arlon le 28 novembre 1836. Voir ci-dessous.

4- Catherine Gabrielle Adèle est née le 29 mai 1817 et décédée à Messancy le 14 juillet 1832.

5- Jean Baptiste Gabriel Joseph Hippolyte est né le 23 octobre 1818. En 1844, il épouse la baronne Laure (Lorette) Joséphine Henriette d’Huart née le 9 avril 1822.  Ce couple aura 5 enfants. Hippolyte avait hérité en 1826 du domaine de Clémarais à Aubange de son cousin Joseph Léopold de Papigny à condition de porter également ce patronyme. Il sera conseiller provincial et député permanent. Le 19 décembre 1858, Léopold et Hippolyte signent un règlement de partage de leurs biens, entériné par un acte devant le notaire Adolphe Tesch le 22 janvier 1859. Tous les biens de Messancy à l’exception d’un bois et de quelques prés reviennent à Léopold. Les biens immeubles sis sur les communes d’Aubange, Pétange et Halanzy reviennent à Hippolyte, de même qu’un capital de 35.000 francs. Léopold donne en plus à son frère une somme de 25.000 francs[40].

Son petit-fils prénommé également Hippolyte (né à Bruxelles le 23 avril 1882) fut écrivain, ses œuvres étant inspirées par l’Afrique. Citons les contes « Le coup de bambou » (1922) et « Le coup de chicotte », les romans « Goubéré, poste congolais » (1936) et « Les aventures d’un chercheur d’or » (1952) ainsi qu’un recueil de poèmes « Gris-gris et tams-tams ».

Hippolyte de Mathelin de Papigny décède à Arlon le 21 novembre 1881.

Léopold de Mathelin est agent de la Banque Nationale. A ce titre, en compagnie du banquier arlonais François Berger et de Victor Tesch, alors député libéral, il fonde le Comptoir d’escompte d’Arlon le 1er janvier 1853. Il occupe le siège cantonal de Messancy au conseil provincial de 1841 à 1872. Il est alors l’élu du parti catholique. Léopold de Mathelin et Victor Tesch, bien qu’étant adversaires politiques, sont d’excellents amis. Dans le courrier que Victor Tesch adresse à Léopold, il termine ses lettres par la formule « Ton tout dévoué Victor ». L’un et l’autre ont fait passer l’intérêt de leur commune, de leur province et du pays tout entier avant l’intérêt personnel et les clivages de partis. Léopold fait partie, en 1858, des trois membres du conseil provincial nommés « membres de la commission des fêtes pour l’inauguration du chemin de fer du Luxembourg » ; le conseil décide à cette occasion d’offrir une médaille commémorative à Victor Tesch « en reconnaissance des services qu’il a rendu au Luxembourg dans le projet et l’exécution du chemin de fer »[41]. Les deux familles étaient d’ailleurs unies par des liens personnels : Marie Cécile Tesch, née Nothomb, fut la marraine de Marie Hortense, sœur de Léopold née en 1808[42].

Au conseil provincial, ses interventions porteront souvent sur les questions agricoles auxquelles il portait un grand intérêt (41) comme le docteur Lenger de Differt.

Léopold de Mathelin devient le premier président de la société de chasse du canton de Messancy fondée le 14 octobre 1847. Parmi les membres fondateurs, nous retrouvons : Joseph Baune de Rachecourt, Antoine Lacroix, juge de paix à Messancy, Jean Nicolas Lenger, médecin à Differt, Hippolyte de Mathelin, du Clémarais, Claude Lebrum de Miraumont, de Hondelange, Victor Tesch, avocat à Arlon, Adolphe Tesch, notaire à Messancy, Emmanuel Tesch, avocat à Arlon[43]. Léopold et son frère Hippolyte possédaient d’ailleurs un permis de port d’arme de chasse dès 1834. En 1848, Léopold est incorporé à la garde civique de Messancy. Nous apprenons à cette occasion qu’il mesurait 1m87[44] ! Léopold de Mathelin est aussi très attentif aux productions de son potager. Il participe à l’exposition agricole et horticole qui se tient du 19 au 21 septembre 1847 à Arlon et y remporte un cinquième prix pour un choix de légumes.

Lors de la souscription publique pour l’acquisition d’une seconde cloche pour l’église, il s’engage pour une somme de 100 francs.

Léopold de Mathelin s’éteint le 4 mars 1880. Il était chevalier de l’ordre de Léopold et de la Légion d’Honneur[45]. Son épouse décèdera le 24 septembre 1894.

Un acte de donation et partage de ses biens dressé à Mons en août 1880 nous apprend qu’il détenait des actions des Hauts fourneaux d’Athus, de l’Union des Papeteries du Prince et du Pont d’Oye et possédait plus de 50 ha de terres et bois.

Léopold et son épouse Victorine de Steenhault eurent 5 enfants :

a-     Emma Marie Thérèse Marguerite Eugénie née à Arlon le 26 août 1837. Elle épouse à Messancy le 2 septembre 1857 Henri Villeroy, propriétaire à Rittershoff (Bavière). Elle décède le 22 février 1885 à Glasshütterhof en Allemagne. Ils ont eu un fils, Jules, mort à Messancy le 13 février 1874 à l’âge de 4 ans et 5 mois (inhumé dans le caveau de famille).

b-    Eugénie Félicie Odile Léopoldine née à Arlon le 24 décembre 1839. Le 22 novembre 1864 à Messancy, elle épouse Raymond Eugène Richard Caytan, agent de la Banque Nationale à Mons. Elle décède le 7 juin 1873. Leur fille Juliette née le 16 novembre 1866 épousa Charles Théodore de la Fontaine, membre de la Chambre des Députés de Luxembourg.

c-     Marie Joséphine Léontine née à Messancy le 22 septembre 1845. C’était, parait-il, une femme distinguée qui  épousa à Messancy le 12 avril 1868 Gustave Metz, directeur de l’usine de Dommeldange. Les familles de Mathelin et Tesch seront à nouveau unies puisque Emile Metz, frère de Gustave et également directeur des forges de Dommeldange, n’est autre que le mari de Laure Edmée Tesch, fille du ministre Victor Tesch.

Elle décède à Luxembourg le 5 octobre 1925.

d-    Marguerite Wilhelmine Mathilde née à Messancy le 9 août 1850. Elle épouse à Messancy le 3 juin 1872 Charles Louis Fidèle de Lasalle baron de Louisenthal. Elle décède à Metz le 11 août 1905.

e-     Marie Constant Augustin Anatole né à Messancy le 8 juin 1855.

Anatole épouse le 4 mai 1881 à Liège Jeanne Marie Charlotte Fanny Cornesse née à Liège le 2 juillet 1855. Fanny est la fille de Prosper Cornesse, avocat liégeois et député qui devint ministre de la Justice en 1870 et 1871. C’est à ce titre qu’il signa le 30 mai 1871, l’arrêté royal signifiant à Victor Hugo, résidant alors à Bruxelles, l’ordre de quitter le territoire belge. Prosper Cornesse est décédé au château de Messancy le 18 juin 1889 et son épouse Marie Charlotte Waleffe s’y était également éteinte le 2 juin 1888 car le couple y résidait.

Anatole est licencié en sciences commerciales et consulaires. Il demeure d’abord à Liège où le couple possède une maison. Le 9 juillet 1884, le baron Paul de Gerlache, gouverneur de la province de Luxembourg depuis le 19 juin 1884, accepte Anatole comme stagiaire à l’administration provinciale, sur recommandation de son beau-père le ministre Cornesse. Il débute avec le grade de chef de bureau et reçoit sa nomination définitive comme secrétaire particulier du gouverneur le 16 juin 1886.

Lors du baptême des deux nouvelles cloches à Messancy en 1895, Anatole et son épouse seront respectivement parrain et marraine de celle représentant la Sainte Famille. La famille de Mathelin avait le droit de disposer des premiers bancs dans l’église paroissiale.

Lors de la démolition de l’ancienne église de Messancy en 1847, une base de colonne romaine, sculptée sur 4 faces, avait été découverte sous le maître autel. Cette pièce ornait depuis lors le jardin du château. En 1908, Anatole de Mathelin la vend aux Musées Royaux de Bruxelles, ce qui irrite particulièrement l’Institut archéologique du Luxembourg et vaut un échange de courrier entre ses présidents Tandel puis Caprasse et Anatole de Mathelin mais finalement la position de ce dernier fut acceptée. Un fragment de colonne surmonté d’un chapiteau corinthien incorporé dans la tour du château avait déjà été signalé au 17ème sicle par Wiltheim (d’après Tandel).

Anatole de Mathelin est décédé à Messancy le 10 mars 1923. Son épouse Fanny Cornesse est morte « Douairière de Mathelin » peu après lui, le 20 octobre 1923.

De leur union sont nés :

1-    Marie Joseph Anatole Prosper Léopold le 26 avril 1882 à Liège (voir ci-dessous)

2-    Joseph Marie Charles Gustave Prosper le 25 mai 1883 à Liège ; il devient industriel (directeur de minière en 1910) et réside à Arendonk puis Bruxelles. Il épouse Marthe Ida Marie Emsens à Arendonk le 30 octobre 1913. Prosper de Mathelin abandonne son domicile officiel de Messancy en 1914 pour s’établir à Ixelles. Engagé durant le premier conflit mondial comme volontaire dans l’aviation anglaise, ses états de service lui valent diverses distinctions : Chevalier de l’Ordre de la Couronne, Croix de Guerre avec palmes, Croix de l’Yser, Croix de la Victoire, Croix de guerre française. Il est décédé à Arendonk le 22 mai 1970 et y est inhumé. Le couple n’a qu’une fille, Mathilde Anatolie Marie Christiane née à Arendonk le 26 juillet 1914 et y décédée le 24 mars 1957. Elle avait épousé le 8 novembre 1934 André de Maere d’Aertrycke, né à Bruges le 15 août 1907[46].

3-    Marie Thérèse née à Liège le 27 janvier 1886, décédée à Messancy le 6 avril 1889

4-    Charles Marie Joseph dit Carl le 31 juillet 1887 à Messancy

Carl est capitaine de vaisseau. Durant la guerre 1914-18, il s’engage aussi dans l’aviation anglaise. Le 11 février 1920 à Tournai, il épouse Simone Louise Albertine Marie Ghislaine Dumon née à Tournai le 24 mars 1895. Le couple a 3 enfants : Monique Françoise Marie Joseph, Jacqueline Françoise et Claude Paul Anatole. Durant la seconde guerre mondiale, il est officier sur le S/S Clarisse Hadeliffe. Le navire est torpillé par les allemands dans la mer Baltique et Carl est « présumé décédé en mer le 9 mars 1943 »[47].

5-    Marie Joseph Juliette Fanny Isabelle née le 6 février 1891 à Messancy. Elle reste célibataire et décède au château le 16 décembre 1967.

Léopold épouse le 8 septembre 1908 à Bleid (Gomery), Guillelmine Antonine Léopoldine Marie Joseph de Gerlache, née à Donck-Brasschaet le 9 juin 1885, fille du baron Paul Marie de Gerlache, gouverneur de la province de 1884 à 1891. Durant la guerre 1914-18, il semble qu’il se soit porté volontaire en Angleterre, comme ses deux frères. Guillelmine de Gerlache décède au château de Messancy le 17 février 1924, après une longue et pénible maladie, âgée de 39 ans seulement. Ce couple est resté sans enfant. Par la suite, les de Gerlache viendront régulièrement en visite au château. Prosper et son épouse venaient deux fois par an passer quelques jours au château. Il y avait alors une grande réception.

Léopold de Mathelin était un homme calme et taiseux. Il aimait la chasse et participait régulièrement, pour son plus grand plaisir, à des battues organisées à Gomery. C’était un financier : il fut administrateur du Comptoir d’escompte de la Banque Nationale à Arlon, administrateur de la Banque de Bruxelles à Arlon, président du conseil d’administration de Mabelpap à Arlon (fabrique de papier) et administrateur des assurances Le Foyer à Luxembourg. Il conduisait une Renault Juva 4 cabriolet bien connue des messancéens, voiture que sa sœur Isabelle utilisera encore après son décès.

Léopold de Mathelin décède à Messancy le 24 juin 1947 ; il est inhumé dans le caveau familial le 27 juin.

3. Le château

1) Les anciens châteaux

Dans le cartulaire des carmes d’Arlon, en 1377, une lettre de donation fait état d’un pré à Messancy « royant sur le chemin allant du villaige au chasteau d’illecque… »[48]. C’est, semble-t-il, la plus ancienne mention d’un château que nous connaissions.

Nous ignorons depuis quand il était construit et à quoi il ressemblait : un simple donjon, une ferme fortifiée, une battisse plus imposante ? Des documents et les constatations effectuées lors de la démolition du château de Mathelin nous assurent que l’édifice ancien était entouré de fossés. Il serait possible que les tours actuelles aient été construites sur des bases plus anciennes. Seules des recherches archéologiques permettraient d’en savoir plus !

L’emplacement choisi est inusité. Pourquoi construire un château-fort dans le fond d’une vallée étroite, sans aucune visibilité sur les environs ? Seul argument : une source abondante pouvait alimenter les douves. L’endroit est voisin de plusieurs collines sur lesquelles on aurait imaginé la construction d’un château. Nous connaissons des châteaux de plaine, le plus proche étant celui de Barnich, mais ils font face à une vallée large et la vue est bien dégagée.

On peut supposer que, si la famille seigneuriale était vassale du comte de Luxembourg et invitée au mariage d’Ermesinde en 1214, son établissement était relativement ancien et dès lors une « maison forte » devait exister au moins au 12ème siècle.

Il faut attendre ensuite une charte de février 1420 où Adolphe, duc de Berg, en guerre contre Louis de Bar et le duc de Lorraine propose 500 florins à Jean II de Messancy pour profiter de son château durant les hostilités. Dans l’acte de donation au profit de ses enfants rédigé en janvier 1463, Jean II se dessaisit de ce qui lui appartient « en forteresse, maisons, granges, manoirs, jardins, vignes, terres arables et non arables »[49]. Ce texte laisse croire qu’à cette époque existait bien un château-fort bien qu’il puisse s’agir d’une formulation « standardisée ». Mais cette impression est renforcée par un autre texte daté de 1464 où Gilles de Bourscheid, beau-fils de Mahaut de Messancy, déclare « que, à cause de sa femme, lui appartient la moitié du château et forteresse de Maissency ». Il demande au Conseil de Luxembourg de pouvoir bénéficier de la coutume de prélever du bois de construction car il a trouvé le château « comme ruiné, de même que le pont » et il a engagé des charpentiers. Il craint que si l’on tarde à effectuer des travaux, le château ne tombe « en totale ruine et démolition »3. En 1467 et 1468, Mahaut de Messancy intente un procès à Jean Tristant car elle conteste ses droits sur la seigneurie de Messancy. Un accord intervient. La restauration est effectuée et, en 1470, le seigneur Jean Tristant « fait sa continuelle résidence en la place et forteresse de Messancy ».

Un relevé des possessions du marquisat d’Arlon en 1479 parle du château de Messancy et de toutes ses dépendances (Das slosse Mechzig mit alle syme aissement)[50]. Jean de Kesselstat intente un procès en 1480 à Jean Tristant (tous deux étant co-seigneurs de Messancy) pour lui réclamer la moitié de la somme déboursée pour la garde et l’entretien du château depuis 1478. Le 17 mars 1504, un accord est signé entre Bernard Tristant et Jean d’Autel au sujet de la moitié du château que Bernard avait rachetée. Bernard Tristant perçoit une somme de 300 florins qui pourront être utilisés pour la reconstruction du château, des granges et écuries. Que s’est-il passé entre 1464 et 1504 ? Le château fut-il la cible d’une des nombreuses incursions des troupes du roi de France dans la région ou victime d’un incendie ?

En 1545, les troupes de François 1er, en guerre contre Charles Quint, mettent le feu au château et au village[51]. Nous savons que l’année suivante un officier, Jean de Lieschem, vit au château.

Dans un registre des fiefs de 1571, Godefroid de Hoengen déclare tenir à Messancy (Mechtzich) la maison forte avec prés, viviers, bois et dépendances[52]. Son fils Bernard, co-seigneur de Messancy, déclare en septembre 1616 posséder « la maison ou château de Messancy » ( das Haus oder Burgh Mechtzigh) 7. Il bénéficie aussi de 1/5 des revenus en argent de la mairie de Messancy comprenant petites dîmes, cens, tonlieu, droits de justice mais pas la haute justice, la moitié d’un gagnage au dessus de Differt, 2/3 de la seigneurie foncière de Bébange. Nous savons que Godefroid et Bernard de Hoengen ont habité le château. Frédéric de Pouilly y demeura aussi au moins jusqu’en 1626, indûment semble-t-il. En 1597, Simon Rodolphe de Schoenberg et son épouse Madeleine de Naves possèdent la moitié du château et de la seigneurie de Messancy.

L’année 1636 voit les troupes polaques et croates ravager le pays. Puis une épidémie de peste décime la population. Le 21 juillet 1646, les troupes françaises qui ont pris la citadelle de Longwy s’aventurent jusqu’aux portes d’Arlon et, au passage, incendient le château de Messancy[53]. Lors du dénombrement des feux de 1656, il ne reste au village que sept chefs de famille dont Claus d’Affen (Fouches) officier en résidence dans le château[54].

En 1682, la chambre royale de Metz réalise un nouveau dénombrement. Madelaine Isabelle de Schomberg, dame de Messancy, déclare tenir du roi de France, la moitié en propriété, l’autre moitié comme usufruitière audit Messancy dont les restes du château ruiné qui sert de demeure à l’officier. Depuis 36 ans, le château n’a pas été restauré, les seigneurs n’y habitent plus mais il y demeure un gérant chargé de les représenter auprès de la population et, sans doute, de valoriser les terres appartenant au domaine. En 1712, Pierre Vanderscheidt, le mandataire du comte de Schombourg déclare que depuis une douzaine d’années, il gère les biens délaissés par le comte, notamment le château de Messancy. Les habitants de Messancy lui intentent un procès en 1714 car, en vertu de la loi de Beaumont, ils réclament le droit de basse et moyenne justice que s’approprie l’officier. On constate à cette occasion que le « baron de Schomberg estait aussy chargé et luy ordonné d’apporter et faire enregistrer à la chambre de Bruxelles tous les titres et documents concernant la juridiction des villages qu’il avait acheté par engagère mais il ne l’a pas fait » ce qui laisse supposer un désintérêt, au moins à cette époque, pour son domaine de Messancy (54). Albert Eugène de Schombourg visite en 1738 le château avec maison, granges et écuries. L’officier du comte  chargé de gérer le domaine est alors Georges Migette né à Beuveilles (Meurthe et Moselle) qui assume cette fonction de 1725 à 1739[55].

En janvier 1744, Anne Marguerite Pellot, veuve de Jean Baptiste Henron, de son vivant seigneur de Sterpenich, Autel et Gorcy achète d’abord la moitié de la seigneurie de Messancy à Antoine de Schauwenbourg puis un quart. Le dernier quart appartenant à la vicomtesse de Lafontaine fut sans doute rattaché ultérieurement.

Durant le Moyen Age et l’Ancien Régime, il n’y a jamais eu de chapelle dans le château. C’est un autel latéral de l’église paroissiale qui en faisait office. Une messe fut ainsi fondée en 1466 à l’autel Saint Christophe. Ensuite nous trouvons l’autel castral dédié à Saint Bernard, patron de la Bourgogne. La première visite canonique effectuée en 1570 mentionne l’autel Saint-Nicolas (patron de la Lorraine) dans l’église paroissiale comme relevant du château[56] au moment où les Schauwenbourg, famille noble de Moselle, sont seigneurs. Cet autel castral sera mis sous la protection de Saint Jodoc au 17ème siècle, sans doute sous l’influence des premiers Jésuites de Luxembourg que les Schoenberg avaient aidés.

On peut donc constater que durant près d’un siècle et demi, depuis l’incendie causé en 1646 par les troupes françaises, le château n’a pas été vraiment réparé. Une partie était peut-être habitable à certaines époques mais il n’est cependant jamais tombé en ruines. Il s’agissait encore d’une maison forte (ou château fort) entouré de fossés mais flanqué de bâtiments agricoles.

2) Le château de Tornaco – de Mathelin

Arnould François de Tornaco est devenu seigneur de Messancy par son mariage en 1734 avec Anne d’Henron. En 1753, il acquiert la seigneurie de Sanem et va y habiter après avoir rénové la demeure fortifiée. En 1758, il déclare posséder à Messancy un vieux château avec grange, écurie et bergerie de même que quelques maisons qu’il loue à des habitants du village. Il perçoit un cinquième du terrage et de la dîme de Differt. Il possède un sixième de la seigneurie et du moulin de Halanzy. Ses biens à Messancy comprennent notamment : une place proche du pont du château qui sert à y mettre le fumier, le grand verger avec une place qui a servi autrefois d’étang aboutissant des deux côtés au fossé du château, le jardin du château et un petit étant situé entre le fossé et la grange près du pont, d’autres petits jardins et vergers. Il est également propriétaire de terres sur Messancy et Guerlange, de bois à Differt, de prés à Turpange et Hondelange[57].

La baronne de Tornaco et la vicomtesse de Lafontaine, co-seigneurs de Messancy en 1766, déclarent y détenir un château avec grange, écuries, bergerie et une petite maison pour le berger, le tout dans un mauvais état. L’officier résident au château de 1740 à 1774 est Jean Reding.

Le 11 novembre 1792, des charpentiers et maçons de Messancy établissent un devis pour la restauration de la résidence du baron Théodore François de Tornaco[58]. Il semble que cette année là fut en réalité construit un château de plaisance en remplacement de la bâtisse féodale. Il formait un U avec une façade d’honneur et les deux ailes latérales presque identiques. Les fossés mentionnés en 1758 disparaissent. Les bâtiments agricoles sont relativement peu importants.

Le château est mentionné dans les relevés français de 1799 (AEA) à la rubrique des taxes sur les portes et fenêtres mais le propriétaire n’est, curieusement, pas indiqué.

Cartographie et toponymie.

Sur la carte de cabinet dressée en 1777 (carte de Ferraris), le château est bien visible. On voit le petit bois situé au nord et les jardins au sud.

Le cadastre français de l’An 12 (1803)[59] ne mentionne pas les noms de lieux. Le château est représenté en forme de U, avec deux branches inégales. Un grand jardin jouxte directement la grande aile sud et recouvre à peu près la zone actuelle du kiosque et du home. Un plan général du village dressé par le géomètre Gaud en l’An 12 également montre aussi deux bâtiments annexes (non figurés sur le plan cadastral !), détachés, le long de l’actuelle rue du Château. Il s’agit des dépendances agricoles.

Le cadastre hollandais de 1821 nous situe le château sur une parcelle dénommée « Am Schloss » qui recouvre le bâtiment principal, l’annexe agricole, la fontaine, les jardins et l’allée arborée. Toute la partie ouest entre le château et la rivière est dénommée « Auf der Rose ». L’origine de ce toponyme est inconnue : y avait-il une roseraie ou fait-il allusion à la grille aménagée à l’entrée du château (Rouscht)[60]. Il faudrait faire une étude plus générale incorporant d’autres toponymes de la commune contenant « Rose » (Rosenacker, Rosenbourg …). La partie est (rue Beau Site) est dénommée « In Schlosspesch », c.à.d. pâture enclose ou parc (60). Les terres, autrefois propriété du château, entre la rivière et le Dolberg se nomment « Im Krebling », lieu orthographié dans un acte de 1682 « Crebrill » toponyme qui pourrait signifier pré marécageux aux pies ou aux crapauds (60).

Sur un extrait cadastral de 1826, nous avons de nombreux détails. L’accès au château se fait par une allée arborée depuis l’actuelle rue de la Gare à l’intersection de la rue du Dolberg. Un chemin avec deux embranchements rejoignait l’actuelle rue du Château à la rivière et au « petit pont » sur la Messancy (rue du Castel). La fontaine est clairement représentée. Les bâtiments agricoles semblent peu importants.

Le plan cadastral belge de 1844 nous montre au nord du château un bois au coin duquel se voit une petite chapelle absente sur le plan de 1826. Elle aurait donc été construite vers 1830-1840. Il semble qu’au début du 20ème siècle des messes y furent célébrées pour la famille de Mathelin mais elle fut ensuite désaffectée et servit de remise. L’atlas des chemins de 1844 indique 3 parcelles « Am Schloss » qui se répartissent en maison, bâtiment, place, verger et pré et 3 parcelles « Auf der Rose » comprenant bois et prés. Nous trouvons aussi vers le nord (actuelle rue du Verger) des terres labourables dénommées « In Schlass rippert » (toponyme qui décrit des champs en lanières appartenant au château)(60). Toute la parcelle qui longeait l’actuelle rue de Luxembourg, jusqu’à mi-côte, formait un grand verger. Après l’acquisition de la propriété par la commune en 1970, les fruits ont été vendus en vente publique puis les arbres ont été abattus.

Le 19ème siècle

Le château devient propriété de Jean Joseph de Mathelin en 1806. Ce dernier ne semble pas avoir réalisé des travaux importants au bâtiment ; il s’atèle par contre à constituer un domaine important par l’achat de terres. En 1808, il acquiert un pré au lieu-dit « Ros », en fait le parc du château. En 1823 et 1825, c’est vers « Krebling » qu’il s’étend. Un échange de chemin est conclu avec la commune en 1826. Le chemin communal partant devant le château pour rejoindre la rivière est devenu inutile, par contre le chemin qui relie le pont (bas de la rue de la Promenade) au château est propriété privée. Ces chemins seront donc échangés.

Léopold et Hyppolite de Mathelin investissent dans l’immobilier (maison Musty en 1835, Scheer en 1843) mais on ne constate toujours pas de modification cadastrale entre le plan « primitif » de 1844 et 1874[61]. La matrice cadastrale élaborée vers 1844 renseigne pour Jean Joseph de Mathelin un ensemble de terres d’une contenance d’environ 105 hectares.

Contrairement à une idée répandue dans le village, la famille de Mathelin n’intervient en rien dans la construction de la nouvelle église en 1847. Celle-ci a été bâtie à quelques mètres de l’ancienne, sur des petites parcelles privées, et les fonds provenaient pour une grande part de coupes extraordinaires dans les bois communaux[62].

Vers 1858, sont au service de la famille : cinq domestiques, un jardinier (originaire de France), une cuisinière, un cocher (originaire de Prusse), une institutrice : Zoé Langlet de Longwy[63] qui bénéficia d’une rente viagère lors du partage des biens de Léopold. Celui-ci est alors le deuxième personnage le plus imposé dans la commune (560 francs). En tête vient le docteur Lenger de Differt (1042 francs) et en troisième position, le notaire Adolphe Tesch (181 francs)[64].

La construction de la voie de chemin de fer et de la gare empiète sur les propriétés de Mathelin de même que la rectification du lit de la rivière pour la même raison. Léopold intente un procès, en 1861 et 1862, à la s.a. « Grande Compagnie du Luxembourg » car il n’admet pas l’emprise à effectuer pour les voies. Le litige se termine par des échanges de terrains et compensations financières. De son côté, Anatole assignera la commune de Messancy en justice en 1882 car il conteste la propriété du nouveau lit de la rivière au lieu-dit Krebling[65].

En 1873, le ruisseau qui coule dans le parc est redressé puis en 1874, une serre est ajoutée et le bâtiment est exhaussé[66]. Un litige oppose de Mathelin et le meunier Charles Thill-Lorang à propos du canal qui aboutit au moulin de Messancy.

L’acte de donation et partage des biens de feu Jean Baptiste Louis Léopold de Mathelin date du 6 août 1880. Anatole devient alors propriétaire du château comprenant serre et jardins. Il est composé de : une salle à manger, un grand salon, une chambre à côté du salon, une chambre, une chambre-bureau, un vestibule, une chambre donnant sur le jardin, deux chambres mansardées pour les domestiques, une cuisine donnant sur la cour, une salle à manger pour les domestiques, une ancienne cuisine, un garde-manger, une laiterie, une buanderie, une sellerie, une chambre pour domestique, un hangar, une écurie et une grange[67]. En 1878, l’ensemble des biens fonciers couvre 110 hectares.

En octobre 1880, Anatole rachète à sa sœur Marguerite de Lasalle les terres qu’elle possède par héritage à Messancy.

Par donation de sa mère faite le 25 avril 1881 devant le notaire Sellier d’Aubange, Anatole reçoit le mobilier du château. L’acte reprend toutes les pièces en détail. Nous savons ainsi que la salle à manger était meublée d’une table à coulisse en noyer et 18 chaises, de 2 consoles et d’une étagère en noyer, d’un buffet en noyer. Le grand salon contenait un lustre en cristal et bronze doré ainsi qu’un fourneau en faïence et marbre. Le mobilier de la chambre attenante au salon était en noyer. Dans la chambre de la baronne de Steenhault, on trouvait un lavabo, un lit et un secrétaire en acajou, une armoire en cerisier. Dans la chambre servant de bureau figurait une bibliothèque en acajou. Quant à la remise, elle refermait une voiture à 4 roues dite Victoria (calèche) et un traîneau[68].

Une partie de la ferme est démolie en 1881.

Léopold de Mathelin, en 1890, fait ajouter des chambres à l’étage et démolir des bâtiments ruraux[69]. La maisonnée comprend alors une préceptrice, deux femmes de chambre, une cuisinière et un cocher[70]. La distribution d’eau courante dans le village est installée en 1877. Si chaque maison possède généralement un robinet (et paie les taxes en conséquence), le château possède huit robinets en 1906.

Le 20ème siècle

En 1910, le personnel compte deux servantes, deux cuisinières, un valet de chambre et un jardinier. Au lendemain de la première guerre mondiale, il ne subsistera que trois servantes.

Une « reconstruction partielle avec amélioration » est entreprise en 1912 par Anatole de Mathelin14. Les archives communales conservent un avant-projet dessiné par l’architecte Cupper de Bastogne dès 1909. Jean Cupper, d’origine prussienne mais naturalisé belge, devint architecte provincial. On lui doit notamment les églises de Michamps (1889), Villers-la-Bonne-Eau (1892), Moinet (1902) et Bourcy (1907-1911). C’est donc un collègue de Jean Baptiste Louis Van de Wyngaert qui dressa en 1896 les plans du château Tesch, actuel hôtel de ville. C’est en fait une modification assez importante du bâtiment qui lui a donné l’aspect connu avant l’incendie. L’avant-projet nous montre cependant un escalier d’honneur droit alors qu’il se présentait en demi-cercle. Lors de ces travaux, Anatole fait représenter le blason des de Mathelin et celui de son épouse Fanny Cornesse sur la tour Nord et saint Georges sur la tour sud (pierres aujourd’hui disparues) ; il sculpte lui-même ses armoiries dans la pierre de France pour orner la cheminée de son bureau[71].

Durant la guerre 1914-18, le château est le siège de la Kommandantur pour l’armée allemande. C’est alors qu’en décembre 1916 Jean Moanda, un domestique d’origine congolaise, est envoyé avec d’autres messancéens en déportation au camp de Meschede où il décèdera.

Anatole rédige un testament holographe le 10 août 1919[72] par lequel Carl et Isabelle reçoivent chacun une moitié du château et de la ferme. A cette époque, trois servantes demeurent au château (Marie Kruchten et Catherine Haupert de Clémency, Marie Belleville de Kopstal)[73] .

Ceci est mon testament

Ce testament révoque toute disposition antérieure.

Voulant assurer après ma mort à ceux de mes enfants qui ne seraient pas mariés ou à ceux qui seraient veufs sans enfants ou veuve avec enfants, le droit de continuer d’habiter le château de Messancy.

Je donne et lègue à mon fils Carl de Mathelin ….l’usufruit de la moitié de la ferme du château de Messancy et du château meublé sur lequel il a droit d’habitation.

Je donne et lègue de même à ma fille Isabelle de Mathelin, pour tant qu’elle ne soit pas mariée, mais je lui donne et lègue également si elle est veuve ou sans enfants, l’usufruit de l’autre moitié du château meublé de Messancy et de la ferme sur laquelle elle a le droit d’habitation du château.

Avec obligation à tous deux d’y conserver le droit d’habitation à leur frère Léopold de Mathelin s’il était veuf avec ou sans enfants, de lui accorder l’administration de la propriété à des conditions à convenir soit par exemple de l’admettre pour un tiers dans l’usufruit et un tiers dans les charges de la propriété.

…. Mon désir est que mes enfants fassent tous les sacrifices nécessaires pour faciliter ces dispositions et pour assurer par la suite la possession du château meublé tel qu’il est de mon vivant et la ferme de Messancy à celui ou ceux de nos descendants mâles directs (à commencer par mon fils aîné ayant descendance mâle) possédant le plus de titre à y continuer nos traditions de famille et à y perpétuer par leur descendance le nom de : de Mathelin et à défaut de descendance mâle d’attribuer la propriété de Messancy aux femmes non mariées portant nom : de Mathelin plutôt qu’à une descendance ne portant pas ce nom.

…. En cas d’annexion de Messancy à l’Allemagne, je dégage mes enfants de toute obligation à respecter mes volontés.

Je donne et lègue à ma femme Fanny Cornesse, sur l’ensemble de la fortune que je délaisserai, le maximum des droits d’usufruit que la loi me permet de lui léguer.

A titre de remerciement pour leur fidélité à me servir, je donne et lègue aux domestiques à mon service depuis au moins trois années au moment de mon décès : cinq cents francs par année de service pour les hommes et trois cent cinquante francs pour les femmes sans toutefois pouvoir dépasser la somme de quinze cents francs pour les hommes et mille cinquante francs pour les femmes.

Je donne et lègue à des personnes nécessiteuses de la paroisse de Messancy la somme de mille francs à distribuer sous le contrôle de mes héritiers sans l’intervention des institutions charitables et dans les délais qu’ils jugeront utiles pour le meilleur bien.

Fait à Messancy en parfaite connaissance, le dix août dix neuf cent dix neuf.

A. de Mathelin

Il est intéressant de constater qu’Anatole de Mathelin a conservé cet esprit « seigneurial », cherchant à préserver la possession du domaine par un descendant de patronyme « de Mathelin », mâle de préférence et exhortant ses enfants à poursuivre les traditions familiales. Il est étonnant de constater que, quelques mois après la signature de l’armistice de la première guerre mondiale, il conserve la crainte de voir la région à nouveau annexée par l’Allemagne.

En date du 1er décembre 1923, les enfants signent une convention qui stipule que Carl et Prosper cèdent à Léopold et Isabelle la propriété de Messancy avec ferme, prés, terres et bois d’une contenance de 40 ha 90 a ainsi que le mobilier qui garnit la propriété « en contre valeur de l’usufruit prévu dans les dispositions de m. Anatole de Mathelin leur père payable à la première demande ».

Les fermiers du château aux 19ème et 20ème siècles

Les châtelains louaient les services de fermiers pour faire fructifier leur domaine agricole. Dans les registres communaux, ils sont repris sous le vocable de fermier ou régisseur. Ils étaient engagés par bail, généralement de 9 ans. En plus du fermage, ils doivent fournir à la famille de Mathelin les pommes de terre, œufs et farine.  Pour les travaux ponctuels, ils faisaient appel à des saisonniers du village.

Le fermier et sa famille logent dans la petite aile du château.

Nous avons retrouvé notamment :

-       Jean Pierre Hennico (né à Messancy le 21 août 1861, y décédé le 5 mars 1929) et son épouse Marguerite Dolisy engagés par bail du 14 décembre 1897.

Fermage : 25 ha 40 ares de terres (prix 1524 f) et 7 ha 93 ares de prés (prix 1149.4 f)

Les prés loués sont engraissés au phosphate basique ou au superphosphate[74].

Il signe un second bail le 19 mars 1909.

-      Pierre Charles Hames (né à Messancy le 27 mai 1862) et son épouse Marie Schaeffer       inscrits dans les registres communaux au 20 mars 1919 en provenance de Hondelange.

-       Ferdinand Halbardier (né à Toernich le 17 février 1895) et son épouse Marie Philomène Schul engagés par bail du 15 avril 1927 pour commencer le 1er mars 1928. Ils quittent la commune le 26 décembre 1936.

-       Félix Schockmel (né à Messancy le 16 avril 1906) et son épouse Irma Sower gèrent la ferme entre 1938 et 1958. Ils cultivaient le froment, le seigle, l’avoine, la pomme de terre et la betterave. La farine était produite par le moulin de Longeau. Les grains étaient stockés dans la tour nord qui était bien sèche. Il y avait quelques vaches laitières et de jeunes bêtes étaient engraissées dans les grands vergers. Ceux-ci comptaient des pommiers, des cerisiers et des pruniers (essentiellement quetsches). Les fruits étaient vendus aux particuliers.

-            Raymond Tonneau (né à Waha le 11 mars 1913) et son épouse Marie Louise Poncin sont engagés par bail d’avril 1959 à mars 1968. Il est le dernier fermier engagé par contrat.

Extraits d’un contrat de bail de fermage[75]

Entre les soussignés

1° – M. Léopold de Mathelin et Melle Isabelle de Mathelin propriétaires demeurant à Messancy.

2°- M. Ferdinand Halbardier assisté de son épouse Philomène Schul qui intervient à l’acte comme solidairement responsable avec son mari, est intervenu la convention suivante :

Les premiers nommés donnent à bail aux seconds nommés qui acceptent pour un terme de 9 années consécutives prenant cours le premier mars 1928 pour finir le premier mars 1937 avec faculté pour les preneurs de résilier après six ans et préavis d’un an, la ferme du château de Messancy bien connue des preneurs et dont ils ne demandent pas plus ample désignation … pour établir le prix total du fermage fixé de commun accord à quatre cents francs l’hectare …

Les bois, jardins, arbres, verger devant la serre et derrière la charmille, pelouses sur l’ancien potager, coteaux, taillis, arbres fruitiers et droit de chasse étant réservés aux bailleurs.

…. Le prix du fermage s’établira d’après la superficie louée qui est de trente six hectares, contenance reconnue et approuvée par les preneurs.

… Les bailleurs se réservent la fontaine, les preneurs pouvant en faire usage les jours où les bailleurs ne l’utilisent pas.

…. (le preneur) ne pourra mettre ses bêtes en pâture dans la prairie dite Rose et Welfenvies. Il ne pourra cultiver les terrains longeant les arbres qu’en laissant une bande inculte de un mètre.

……..

Fait à Messancy le quinze avril dix neuf cent vingt sept

Le château et le domaine après 1945

Lors de l’invasion allemande en 1940 des troupes prussiennes logent au château, respectueuses des lieux. Quand des représentants de la Gestapo y vinrent pour confisquer les chevaux, les soldats allemands s’y opposèrent mais durent s’incliner. Dans le courant du conflit, des réfugiés français ont transité par le château. Les blessés étaient soignés dans les caves par le docteur Devresse, ami personnel des châtelains. Les autres se cachaient dans le jardin en attendant que le fermier, monsieur Schockmel, les conduise à Guerlange.

Le château subit des dégâts importants lors de l’explosion des trains de munitions en gare de Messancy, le 10 janvier 1945. Les lustres en cristal jonchent le sol, les bibliothèques sont renversées. Les fenêtres de la façade principale volent en éclats : plusieurs d’entre elles seront murées et le resteront jusqu’à la destruction du château. Léopold et Isabelle vivent alors provisoirement dans l’aile occupée par le fermier et sa famille. Le relevé communal du 31 décembre 1945 avance un montant de 233.565 f de travaux déjà effectués. Les propriétaires dont la fortune ne permettait pas d’entreprendre une restauration complète attendent de bénéficier des dommages de guerre mais finissent par se lasser. Léopold décède en 1947 et sa sœur, restée seule, n’occupe plus qu’une petite partie de la bâtisse.

Isabelle de Mathelin avait rédigé un testament. Outre le partage entre ses neveux et nièces, elle fondait une messe haute en l’église de Messancy pour l’âme de ses parents, de son frère Léopold et de sa belle sœur Guillelmine de Gerlache. Elle laissait aussi une somme importante aux Œuvres du Doyenné de Messancy réservée exclusivement à la maison des Œuvres. Après le décès d’Isabelle de Mathelin, le partage de la succession a lieu le 16 décembre 1967 entre ses héritiers et ceux d’Anatole. Les héritiers, dont aucun ne demeurait plus à Messancy, souhaitaient vendre la propriété.

Le conseil communal décide dès sa séance du 27 mai 1967de se porter acquéreur du domaine qui, outre le château (en mauvais état), comprend 37 ha de terre agricoles.

En sa séance du 22 février 1969, le collège présente un « Rapport sur les raisons invoquées pour l’acquisition de la propriété de Mathelin et les ressources pour couvrir le montant de la dépense ». Sur les conseils du Directeur de l’Urbanisme à Arlon, la commune a fait dresser un plan d’aménagement particulier qui comprend :

« a) environ 5 ha de terrains comprenant château, ferme, parc arboré etc… le tout considéré comme zone de construction à destination publique

b) environ 5 ha de terrains comme zone réservée à l’industrie (le long de la ligne de chemin de fer et à 200 m de la bretelle de l’autoroute en projet)

c) environ 10 à 12 ha comme zone réservée à la construction de logements sociaux

d) environ 4 ha comme zone réservée à la construction d’un home pour handicapés

e) sur environ 700 mètres le long de la voirie communale, zone de constructions fermées

f) le restant comme zones agricoles, boisées, cours et jardins.

Cette propriété est située en plein centre de Messancy, commune qui est considérée par les autorités supérieures comme commune-dortoir des ensembles sidérurgiques d’Athus, de Longwy, de Rodange et de Differdange.  Laquelle commune va être prochainement située dans l’angle formé par la route à 4 bandes Arlon-Athus-France et la bretelle de l’autoroute en projet.

Cette propriété a arrêté jusqu’à présent l’extension du village vers le sud-est (sic). De plus, la commune voudrait conserver dans l’agglomération pour l’avenir une place verte. La commune ne peut donc pas laisser passer l’occasion unique de se rendre acquéreuse de cette propriété et d’agrandir ainsi son patrimoine, ce qui n’est pas un aspect négligeable pour une commune en plein essor comme la nôtre. »

Parmi les ressources prévues, la commune disposera de 6 millions venant de l’expropriation des terrains pour réaliser le contournement routier de la N81 et la s.a. La Maison Virtonaise propose d’acquérir 10 à 12 ha de terrains pour la construction de logements sociaux pour une somme de 3 à 4 millions[76].

Mais la loi ne permettait pas à une commune d’acheter des biens immobiliers pour plus de 10 % de ses voies et moyens. Il lui était donc impossible d’acquérir l’ensemble en une fois. D’accord avec les héritiers vendeurs, la commune achète alors le domaine en plusieurs tranches, la valeur totale ayant été estimée à 9 millions : 40 % le 26 octobre 1968, 5 % le 18 janvier 1969, 38,75 % le 28 octobre 1969 et 2,5 % le 14 novembre 1969. Mais parmi les héritiers se trouvent deux enfants mineurs représentés par leur père, tuteur légal. Ce dernier conteste la somme proposée par la commune et cependant acceptée par les autres héritiers ; il bloque ainsi la vente de la dernière tranche. Il faut donc procéder à une vente publique de l’ensemble par licitation judiciaire. Cette vente a lieu le 19 mars 1970 au café Alfa à Messancy. Outre les notaires choisis par les différentes parties, le juge de paix du canton, Adrien Wittamer, est également présent ; il veille à ce que les intérêts des enfants mineurs ne soient pas lésés. La commune devient ainsi seule et définitive propriétaire. Les héritiers avaient émis deux souhaits : que la commune édifie un home (ou transforme le château en home) et qu’une rue de Messancy porte le nom de « de Mathelin »[77].

Les meubles sont vendus en vente publique par le notaire Bricart le 12 mai 1970. Le détail de la vente, paru dans la presse, permet de connaître l’ameublement du château : il y avait notamment des buffets, secrétaires, bahuts Louis XIV et Louis XV, armoire à une porte du XVIIIème siècle, bahut et armoire de style rhénan, garde-robe liégeoise, lit de repos et sièges de style empire, vitrines françaises en marqueterie, bibliothèques en acajou, table à jeux Louis-Philippe ainsi que de l’argenterie ancienne, des cuivres du XVIIIème siècle, des icônes russes, des trophées de chasse, des bronzes dorés, des tableaux anciens (dont un représentait les armoiries familiales), des tapis d’Orient et du Caucase.

En 1970, Messancy est une petite commune. La fusion n’aura lieu qu’en 1977. Le château Tesch est acheté le 26 octobre 1970 pour y aménager le nouvel hôtel de ville. Il n’est pas question alors d’entreprendre des aménagements au château de Mathelin sur les fonds propres.

Une a.s.b.l. dénommée « Messancy-Home » projette en 1972 de construire un home pour handicapés sur le terrain situé à l’angle de la rue du Château et de la rue de Luxembourg. A la même époque « un accord a été conclu entre la commune et des particuliers pour restaurer progressivement le château de Mathelin. On étudie la possibilité de donner à celui-ci une destination hôtelière et d’aménager le parc en jardins et courts de tennis » disait à la presse le bourgmestre Narcisse Kirsch[78]. Nous savons que ces deux projets ne se réaliseront pas. La commune loue alors pendant une période assez courte les bâtiments agricoles à monsieur Bonneval qui les transforme en un manège de huit chevaux. Suite à un litige avec la commune, cette exploitation cesse.

L’ensemble des bâtiments est ensuite laissé à un total abandon. Les herbes et arbustes envahissent la propriété ; des poutres, portes et boiseries sont volées ; les locaux sont utilisés comme logement par des vagabonds ou servent aux jeux de certains enfants.

Le château est la proie des flammes en début d’après-midi, le samedi 19 mai 1979. Les corps de pompiers d’Athus et d’Arlon interviennent en force mais la toiture et l’étage sont totalement détruits. Il ne subsiste que les murs.

Dès 1978, la commune prend contact l’Intercommunale des Œuvres Médico-sociales de la province pour transformer le château en home. Après l’incendie, la commune décide de leur céder le parc : « … 3°) Le conseil émet le souhait que dans la mesure du possible, l’auteur du projet maintienne le caractère actuel des lieux en essayant de conserver les tours du château et certaines pierres sculptées 4°) demande que le gros œuvre soit commencé pour le 1 juillet 1981 au plus tard, le bien, dans la négative, faisant retour à la commune ». En sa réunion du 21 juin 1983, le conseil constate : «  … Vu l’acte de cession de cette propriété à l’Intercommunale des Œuvres Médico-sociales des arrondissements d’Arlon et de Virton en date du 13 novembre 1979 reprenant dans son corps la condition de retour à la commune au cas où les travaux de construction d’une maison de retraite ne serait pas commencé, Attendu que cette condition précise n’a pas été respectée, décide … que la propriété de Mathelin ci-dessus décrite doit redevenir  propriété communale[79]. »

C’est dans cet intervalle que l’Intercommunale fit raser tous les bâtiments du château et de la ferme et rétrocède à la commune en avril 1984 les frais afférents à cette démolition. Seules furent sauvées deux tours et une partie du mur du potager avec escalier le long de la rue de la Gare.

Des aménagements seront ensuite réalisés dans le parc en plusieurs phases : podium couvert, jeux pour enfants, restauration des deux tours, petite pièce d’eau à l’endroit de la fontaine. Le parc est officiellement inauguré le 4 juin 1988. La section des Anciens Combattants de Messancy offre, la même année, un lot d’arbres pour créer un arboretum en bordure de l’ancien lit de la rivière.

En novembre 1990 est accordé à Euroster le permis de bâtir pour la construction du home pour personnes âgée dans la partie sud du parc, bâtiment qui sera agrandi par deux fois dans les années suivantes.

Le caveau de famille au cimetière de Messancy

Le 1 novembre 1969, Claude de Mathelin, l’un des héritiers, écrivait au bourgmestre « Mes mandants et moi-même abandonnons tous droits généralement quelconques qui pourraient nous être acquis ou incomber du fait de la chapelle érigée au cimetière de Messancy sur la concession de Mathelin. Nous avons convenu que lorsque l’entretien entraînera des frais, les Autorités communales prendront les dispositions nécessaires en vue :

-       soit d’y remédier si elles le jugent utile :

-       soit de démolir la chapelle, les matériaux et objets s’y trouvant devenant la propriété de la commune. »[80]

L’administration communale a décidé, jusqu’à présent, d’entretenir cette chapelle et la fleurit chaque année pour la Toussaint, comme celle de la famille Tesch.

Cette chapelle de famille est construite dans le « nouveau cimetière », à gauche du chœur de l’église, sur la concession entourée d’une grille de fer. Elle est proche de la chapelle Tesch. Les décorations extérieures en pierre sont assez pompeuses, composées de guirlandes de feuilles et de fleurs, de couronnes de fleurs et de quatre gargouilles à tête de lion. La porte d’entrée, fermée par une grille de fer, est surmontée du blason de famille.

Nous trouvons à l’intérieur un autel ouvragé dont la table repose sur trois colonnes corinthiennes. A droite de l’autel, une plaque brisée dédiée à Jean Joseph de Mathelin. La plaque de gauche a disparu ; on peut supposer qu’elle était attribuée à son épouse Marguerite Favrais. Sous la table d’autel, les plaques de Léopold de Mathelin et de la baronne de Steenhault. Sur les murs latéraux, les plaques de Anatole de Mathelin et de la douairière née Fanny Cornesse ; des enfants Jules Villeroy et Marie Thérèse de Mathelin morts en bas âge ; de Léopold de Mathelin et de son épouse Guillelmine de Gerlache.

Nous n’avons pas d’indication sur la date de construction de la chapelle mais elle correspond au style « Anatole de Mathelin » et pourrait être contemporaine des modifications du château au tout début du 20ème siècle.

Remerciements

Nous remercions très chaleureusement toutes les personnes qui nous ont aidé dans la recherche documentaire :

Madame Laure Schockmel, messieurs Nicolas Bach, le notaire e.r. Robert Bricart, Eugène Decoux, Thierry de Codt, Robert Fergloute, Camille Gillet, Paul Hennico, le bourgmestre Roger Kirsch, Louis Lejeune, Charles de Mathelin, Firmin Maus, Henry d’Otreppe, le docteur Joseph Tonneau, le secrétaire communal Benoît Wagner et le personnel de l’administration communale, Jean Marie Zimmerman.


[1] Tandel E., Les communes luxembourgeoise T II cartulaire de Messancy, AIAL 1889

[2] Würth-Paquet M., Table chronologique des chartes et diplômes relatifs à l’histoire de l’ancien pays de Luxembourg. P.S.H. 1862, Luxembourg

[3] Vannerus J., Cartulaire des Carmes d’Arlon, AIAL, tome LXXIV, 1943

[4] Verkooren A., Chartes et cartulaires du Luxembourg, TIII,  Bruxelles 1915

[5] Laurent C., Les seigneurs de Messancy in Tandel II

[6] Muller M., Histoire religieuse de Messancy, Aubange 1959

[7] M.C. Gillet, Conseil de Luxembourg. Dénombrement des fiefs. AEA

[8] Laurent C., Les seigneurs de Messancy in Tandel II

[9] A. Schon, Zeitafel zur Geschichte der luxemburger Pfarreien, Esch 1956

[10] Würth-Paquet M., Table chronologique des chartes et diplômes relatifs à l’histoire de l’ancien pays de Luxembourg. P.S.H. vol 1870, Luxembourg 1870

[11] Goffinet H., Cartulaire de Clairefontaine, P. Brück Arlon 1877

[12] Verkooren A., Chartes et cartulaires du Luxembourg, TIV,  Bruxelles 1915

[13] Moïs C., Chronique de la paroisse Saint-Jacques de Messancy in Messancy – Bébange, Eglises et paroisses, 1997

[14] Gourdet L., Inventaire des blasons de la province de Luxembourg, Ed. Duculot 1960

[15] Fond Van Werveke, A.N. Lux

[16] Neÿen A., Biographie luxembourgeoise, Luxembourg 1876

[17] http://en.wikipedia.org/wiki/Frederick_Schomberg,_1st_Duke_of_Schomberg

[18] http://de.wikipedia.org/wiki/Meinhard_von_Schomberg

[19] F.R.W., Fermiers et châtelains … sur le même chemin, Attert 1993

[20] Hudemann-Simon C., La noblesse luxembourgeoise au XVIII ème siècle, Publ. Inst. Grand-ducal 1985

[21] AEA : Archives du Conseil de Luxembourg, dénombrement des fiefs par M.C. Gillet, 1984

[22] Schleich de Bossé J., La noblesse au Grand Duché de Luxembourg, T 1, Luxembourg 1959

[23] Gouvernement de Luxembourg, collection des aveux, relevés et dénombrement de fiefs

[24] M.C. Gillet, Conseil de Luxembourg. Dénombrement des fiefs. AEA

[25] Mersch J., Biographie nationale du Pays de Luxembourg (1947 à 1975) online www.bnl.lu

[26] Marie de Cantacuzène est sa belle-mère à double titre : mère de sa femme et seconde épouse de son père !

[27] www.austro-hungarian-army.co.uk

[28] Laurent C., Les seigneurs de Messancy in Tandel II

[29] Lefort A., Histoire du département des Forêts, Luxembourg 1905 et Arch. Nationales Luxembourg

[30] AEA Archives du château de Messancy, farde 7

[31] Données communiquées par Louis Lejeune

[32] Notariat, Frédéric Tesch 1 (1806-1807) AEA

[33] AEA, fonds RF farde 106

[34] Petit R., Inventaire des archives du château de Messancy. Arch. de l’Etat Arlon, 1975 et La Noblesse belge, annuaire de 1925

[35] Document rédigé par un employé du château. Coll. privée

[36] AEA, fonds RF farde 81

[37] Tandel E., Les communes luxembourgeoises T1 (Les élus du Luxembourg) Arlon 1889 et bulletin des « Descendants des membres du Congrès national », n° 2000/1, mars 2000.

[38] Anonyme, Histoire du conseil provincial, années 1836 à 1885, Impr. Brück  Arlon 1894

[39] Archives du château de Messancy, fardes 13, AEA

[40] AEA Archives du château de Messancy, farde 16

[41] Anonyme, Histoire du conseil provincial, années 1836 à 1885, Impr. Brück  Arlon 1894

[42] Registre paroissial Messancy ; AEA

[43] Statuts de la société, Archives communales, Messancy

[44] Registre de la garde civique 1831-1853, Archives communales Messancy

[45] Registre d’état civil, mariage de sa fille Emma

[46] Etats présents de la noblesse belge, 1977

[47] Registre de population, Messancy

[48] Vannerus J., Cartulaire des Carmes d’Arlon, AIAA, tome LXXIV, 1943.

[49] Tandel E., Les communes luxembourgeoise T II cartulaire de Messancy, IAL 1889

[50] Tandel E., Les communes luxembourgeoise T II cartulaire de Messancy, IAL 1889

[51] Muller M., Histoire religieuse de Messancy, 1959.

[52] Inventaire des arch. du Conseil de Luxembourg, III Dénombrement des fiefs, Arch. du Royaume, Brux. 1984

[53] Prat G.,  Histoire d’Arlon T II, 1874

[54] Documents Bourguignon sur Messancy, AEA

[55] cfr dans ce n° : Georges Migette, officier de la seigneurie de Messancy, par Jean Migette

[56] Heydinger J., Archidiaconatus, Tituli S. Agathes in Longuiono, Trèves 1884.

[57] Archives du Gouvernement à Luxembourg

[58] AEA Archives du château de Messancy

[59] AEA, cartes

[60] Communication Nicolas Bach

[61] AEA Archives du château de Messancy, farde 188

[62] Moïs C., Construction de l’église in Messancy – Bébange, Eglises et paroisses, 1997

[63] Registre de population avant 1858 Messancy

[64] Archives communales Messancy

[65] AEA Archives du château de Messancy, farde 198

[66] Archives du Cadastre, Arlon

[67] AEA Archives du château de Messancy, farde 36

[68] AEA Archives du château de Messancy, farde 41

[69] Archives du Cadastre, Arlon

[70] Registre de population 1890-1900 Messancy

[71] Gourdet L., Inventaire des blasons de la province de Luxembourg, Ed. Duculot 1960

[72] AEA Archives du château de Messancy

[73] Registre de population 1921-1931 Messancy

[74] Annexe au bail de 1897. Coll. privée

[75] Coll. privée

[76] Archives communales

[77] Communication notaire R. Bricart

[78] La Libre Belgique du 21 octobre 1972

[79] Registre conseil communal, 21 juin 1983

[80] Archives communales Messancy